À travers ses gestes sculpturaux, filmiques ou performatifs se manifeste dans le travail de Robin Touchard, un chaos multicolore, une clameur volcanique en partie maîtrisée par des dispositifs et des collaborations. Sous ce désordre apparent éclosent des correspondances profondément matériologiques, le moindre objet, la moindre attitude se transforme de façon à s’imbriquer dans une aventure intempestive, qui invoque la géologie et les mythes cosmogoniques. ( … ) Avec du papier toilette et du mauvais café, on peut, patiemment, ériger une chaîne de montagne évolutive, à même le sol. Des strates colorées et odorantes, qui craquellent et envahissent tranquillement l’espace, dans un vacarme de quelques centimètres de haut.

Dans les espaces et les formes toujours instables de Touchard, les matériaux (re)deviennent matière, toujours dans un souci du vivant, dans des processus de transformation qui testent les limites de l’expérience, les marges de la transition où fusionnent, comme il le suggère lui-même, des formes organiques et artificielles. Le spectacle ne se laisse pas appréhender facilement : ajouté à ces reliefs posés au sol, un assaut d’images projetées par un vidéo projecteur sur les différents plans de l’espace participe d’un mélange à la fois inquiétant, car créant un malaise de perceptions, et poétique, car hors d’un champ rationnel. Le spectateur est aspergé de couleurs, quasiment noyé dans un flux d’images, de vibrations sonores, son corps qui fait obstacle par endroit à la projection visuelle, reçoit des parties d’images amputées, abstraites d’un continuum désordonné, renvoyant à un chaos en formation, dans lequel il est soumis à une expérience programmée aux perceptions inédites d’une temporalité mutante.

Ses œuvres sont compactes, superposées, entassées, combinées, étagées, brouillées, fusionnelles, accumulées, amalgamées, étanches, projetées, parasitées, mutantes, tumultueuses, multiformes… Ce chaos plastique chercherait-il, comme dans la création du monde à faire naître un univers ordonné ? Il semble qu’à la lecture des œuvres de l’artiste, ce soit le chaos lui-même qui soit interrogé. Le chaos comme sujet, comme lieu de spéculation plastique, lieu de la perte de repères spatio-temporels, lieu de déstabilisation, de vertige visuel et physique, de corps transformé, diffusé, impacté par les images, lieu d’un commencement perpétuel d’un système dynamique.